Page:Flaubert - Salammbô.djvu/288

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étonnement. Depuis le temps qu’il vivait dans la fosse, on l’avait presque oublié ; gênés par de vieux souvenirs, ils se tenaient à distance et n’osaient porter la main sur lui.

Mais ceux qui étaient par derrière murmuraient et se poussaient, quand un Garamante traversa la foule ; il brandissait une faucille ; tous comprirent sa pensée ; leurs visages s’empourprèrent, et, saisis de honte, ils hurlaient :

— Oui ! oui !

L’homme au fer recourbé s’approcha de Giscon. Il lui prit la tête, et, l’appuyant sur son genou, il la sciait à coups rapides ; elle tomba ; deux gros jets de sang firent un trou dans la poussière. Zarxas avait sauté dessus, et, plus léger qu’un léopard, il courait vers les Carthaginois.

Quand il fut aux deux tiers de la montagne, il retira de sa poitrine la tête de Giscon en la tenant par la barbe, il tourna son bras rapidement plusieurs fois, et la masse, enfin lancée, décrivit une longue parabole et disparut derrière le retranchement punique.

Bientôt se dressèrent, au bord des palissades, deux étendards entre-croisés, signe convenu pour réclamer les cadavres.

Alors quatre hérauts, choisis sur la largeur de leur poitrine, s’en allèrent avec de grands clairons ; et, parlant dans les tubes d’airain, ils déclarèrent qu’il n’y avait plus désormais, entre les Carthaginois et les Barbares, ni foi, ni pitié, ni dieux, qu’ils se refusaient d’avance à toutes les ouvertures et que l’on renverrait les parlementaires avec les mains coupées.

Immédiatement après, on députa Spendius à