Page:Flaubert - Salammbô.djvu/308

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tirent, et des volées de pierres et des volées de flèches s’élancèrent à la fois ; tous les frondeurs éparpillés couraient. Quelques-uns s’approchaient du rempart, en cachant sous leurs boucliers des pots de résine ; puis ils les lançaient à tour de bras. Cette grêle de balles, de dards et de feux passait par-dessus les premiers rangs et faisait une courbe qui retombait derrière les murs. Mais, à leur sommet, de longues grues à mâter les vaisseaux se dressèrent ; et il en descendit de ces pinces énormes qui se terminaient par deux demi-cercles dentelés à l’intérieur. Elles mordirent les béliers. Les soldats, se cramponnant à la poutre, tiraient en arrière. Les Carthaginois halaient pour la faire monter ; et l’engagement se prolongea jusqu’au soir.

Quand les Mercenaires, le lendemain, reprirent leur besogne, le haut des murailles se trouvait entièrement tapissé par des balles de coton, des toiles, des coussins ; les créneaux étaient bouchés avec des nattes ; et, sur le rempart, entre les grues, on distinguait un alignement de fourches et de tranchoirs emmanchés à des bâtons. Une résistance furieuse commença.

Des troncs d’arbres, tenus par des câbles, tombaient et retombaient alternativement en battant les béliers ; des crampons, lancés par des balistes, arrachaient le toit des cabanes ; et, de la plate-forme des tours, des ruisseaux de silex et de galets se déversaient.

Les béliers rompirent la porte de Khamon et la porte de Tagaste. Mais les Carthaginois avaient entassé à l’intérieur une telle abondance de matériaux que leurs battants ne s’ouvrirent pas. Ils restèrent debout.