Page:Flaubert - Salammbô.djvu/362

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On avait, à cause de leur infection, enterré vivement les cadavres des vélites ; la place des fosses ne s’apercevait plus.

Tous les Barbares languissaient, couchés par terre. Entre leurs lignes, çà et là, un vétéran passait ; et ils hurlaient des malédictions contre les Carthaginois, contre Hamilcar et contre Mâtho, bien qu’il fût innocent de leur désastre ; mais il leur semblait que leurs douleurs eussent été moindres s’ils les avait partagées. Puis ils gémissaient ; quelques-uns pleuraient tout bas, comme de petits enfants.

Ils venaient vers les capitaines et ils les suppliaient de leur accorder quelque chose qui apaisât leurs souffrances. Les autres ne répondaient rien, ou, saisis de fureur, ils ramassaient une pierre et la leur jetaient au visage.

Plusieurs conservaient soigneusement, dans un trou en terre, une réserve de nourriture, quelques poignées de dattes, un peu de farine ; et on mangeait cela pendant la nuit, en baissant la tête sous son manteau. Ceux qui avaient des épées les gardaient nues dans leurs mains ; les plus défiants se tenaient debout, adossés contre la montagne.

Ils accusaient leurs chefs et les menaçaient. Autharite ne craignait pas de se montrer. Avec cette obstination de Barbare que rien ne rebute, vingt fois par jour il s’avançait jusqu’au fond, vers les roches, espérant chaque fois les trouver peut-être déplacées ; et, balançant ses lourdes épaules couvertes de fourrures, il rappelait à ses compagnons un ours qui sort de sa caverne, au printemps, pour voir si les neiges sont fondues.

Spendius, entouré de Grecs, se cachait dans