Page:Flaubert - Salammbô.djvu/394

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une chaîne de bronze ; les hommes de trait se tenaient par derrière, et aux deux ailes il distribua des Naffur, montés sur des chameaux à poils ras, couverts de plumes d’autruche.

Le Suffète disposa les Carthaginois dans un ordre pareil. En dehors de l’infanterie, près des vélites, il plaça les Clinabares, au-delà les Numides ; quand le jour parut, ils étaient les uns et les autres ainsi alignés face à face. Tous, de loin, se contemplaient avec leurs grands yeux farouches. Il y eut d’abord une hésitation. Enfin les deux armées s’ébranlèrent.

Les Barbares s’avançaient lentement, pour ne point s’essouffler, en battant la terre avec leurs pieds ; le centre de l’armée punique formait une courbe convexe. Puis un choc terrible éclata, pareil au craquement de deux flottes qui s’abordent. Le premier rang des Barbares s’était vite entr’ouvert ; et les gens de trait, cachés derrière les autres, lançaient leurs balles, leurs flèches, leurs javelots. Cependant la courbe des Carthaginois peu à peu s’aplatissait, elle devint toute droite, puis s’infléchit ; alors les deux sections des vélites se rapprochèrent parallèlement, comme les branches d’un compas qui se referme. Les Barbares, acharnés contre la phalange, entraient dans sa crevasse ; ils se perdaient. Mâtho les arrêta, et tandis que les ailes carthaginoises continuaient à s’avancer, il fit écouler les trois rangs intérieurs de sa ligne ; bientôt ils débordèrent ses flancs, et son armée apparut sur une triple longueur.

Mais les Barbares placés aux deux bouts se trouvaient les plus faibles, ceux de la gauche surtout, qui avaient épuisé leurs carquois ; et la troupe