Page:Flaubert - Salammbô.djvu/92

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Et ils s’éloignèrent d’un pas rapide, côte à côte, sans parler.

Le terrain remonta, et les habitations se rapprochèrent. Ils tournaient dans les rues étroites, au milieu des ténèbres. Des lambeaux de sparterie fermant les portes battaient contre les murs. Sur une place, des chameaux ruminaient devant des tas d’herbes coupées. Puis ils passèrent sous une galerie que recouvraient des feuillages. Un troupeau de chiens aboya. L’espace tout à coup s’élargit, et ils reconnurent la face occidentale de l’Acropole. Au bas de Byrsa s’étalait une longue masse noire : c’était le temple de Tanit, ensemble de monuments et de jardins, de cours et d’avant-cours, bordé par un petit mur de pierres sèches. Spendius et Mâtho le franchirent.

Cette première enceinte renfermait un bois de platanes, par précaution contre la peste et l’infection de l’air. Çà et là étaient disséminées des tentes où l’on vendait pendant le jour des pâtes épilatoires, des parfums, des vêtements, des gâteaux en forme de lune, et des images de la Déesse avec des représentations du temple, creusées dans un bloc d’albâtre.

Ils n’avaient rien à craindre, car les nuits où l’astre ne paraissait pas on suspendait tous les rites ; cependant Mâtho se ralentissait ; il s’arrêta devant les trois marches d’ébène qui conduisaient à la seconde enceinte.

— Avance ! dit Spendius.

Des grenadiers, des amandiers, des cyprès et des myrtes, immobiles comme des feuillages de bronze, alternaient régulièrement ; le chemin, pavé de cailloux bleus, craquait sous les pas, et