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quelles ils doivent passer, et qu’aveugles agents de la Providence, tous aussi ont leur mission à remplir, de laquelle nous ne pouvons supposer qu’ils puissent s’écarter sans ravaler la puissance divine.

Je pensais qu’il dépendait de notre volonté de nous façonner pour n’importe quel rôle que ce fût ; je n’avais jusqu’alors éprouvé que les besoins du cœur ; l’ambition, la cupidité et autres passions factices ne s’étaient présentées à mon esprit que comme les effervescences de cerveaux malades. J’avais toujours aspiré à une vie animée par de tendres affections, à une modeste aisance ; et ces souhaits m’étaient interdits ; asservie à un homme… (je l’ai déjà qualifié) dans un âge où toute résistance est impuissante ; née de parents dont l’union n’avait pas été enregistrée selon les formes légales, je devais, très jeune encore, renoncer à jamais aux tendres affections, à une vie au dessus de la pauvreté. L’isolement était mon lot ; je ne pouvais que furtivement paraître dans le monde, et la fortune de mon père devenait la proie d’un oncle millionnaire. La mesure comble, je me mis en révolte ouverte contre un ordre de choses dont