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rieure avait alors soixante-douze ans ; nommée et destituée à plusieurs reprises, son extrême bonté la faisait toujours rejeter par les prêtres qui ont autorité sur le couvent, mais cette même bonté la faisait nommer de nouveau par les religieuses qui ont le droit d’élire leur supérieure au scrutin.

Cette aimable femme, en tout point l’inverse de sa cousine de Santa-Rosa, est si maigre, si délicate, qu’elle disparaît presque entièrement sous sa longue et large robe. Toute sa vie elle a été malade, et la seule chose qui apporte quelque soulagement à ses maux, c’est d’entendre de la bonne musique. Elle ne paraît vieille, cette chère dame, que par sa figure et ses mains décrépites. Je n’aurais jamais cru qu’on pût rencontrer, dans une femme de cet âge et d’une aussi faible organisation, autant de vivacité et d’activité qu’en montrait la supérieure. Sa conversation, extrêmement gaie, était toujours brillante de saillies et piquante d’originalité ; pas une de ses jeunes religieuses ne l’aurait surpassée dans le feu qu’elle y mettait. Je lui rapportai le propos que m’avait tenu la supérieure de Santa-Rosa ; elle haussa les épaules avec un sourire de pitié, et me dit avec une expression tout à fait artistique :