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Notre conversation fut assez originale, bouffonne et sérieuse tout à la fois. Il causait bien ; mais il avait un défaut terrible pour la réserve que m’avait recommandée mon oncle, c’était de rire aux éclats à propos de la moindre chose. Cette extrême hilarité contrastait avec le sérieux des personnes dont il était entouré ; elle me mit à l’aise, et je ris aussi passablement.

— Est-il bien vrai, mademoiselle, me dit-il avec un mouvement d’orgueil très prononcé, que les Aréquipéniens ont eu peur de moi ?

— C’est à un tel point, colonel, que j’étais venue à vous donner le surnom de Croquemitaine.

— Et quel sens attachez-vous à ce nom ?

— C’est celui que les bonnes emploient en France pour intimider les petits enfants. — Si tu n’es pas sage, si tu ne fais pas ce qu’on te dit, leur disent-elles, j’appelle Croquemitaine, qui viendra te manger. Et l’enfant effrayé obéit à l’instant.

— Ah ! ah ! la comparaison est charmante ! Nieto est la bonne, les Aréquipéniens sont les petits enfants, et moi je suis l’homme qui les mange.