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m’avait agitée à un tel point, que, malgré ma lassitude, il me fut impossible de dormir ; ma pensée me tenait éveillée et ne cessait de reproduire les impressions que je venais d’éprouver. Je m’assoupis aux approches du jour, en rêvant aux beaux orangers, aux jolies Liméniennes en saya et à l’apparition de ma tante.

Dès les huit heures du matin, madame Denuelle entra chez moi, et, mettant bientôt la conversation sur ma tante, elle me dit, avec un air embarrassé, que, par intérêt pour moi, elle croyait devoir m’instruire de plusieurs particularités sur la seňora Manuela de Tristan. Elle m’apprit que, depuis longues années, Manuela était liée avec un Américain du nord, qu’elle aimait beaucoup et dont elle était excessivement jalouse. Madame Denuelle me parla de manière à me laisser pénétrer le fond de sa pensée ; elle redoutait de me voir accepter l’hospitalité qui m’était offerte, non pas tant à cause de la dépense que je pourrais faire chez elle que par l’extrême envie de me posséder pendant mon séjour à Lima. Si d’avance je n’eusse été décidée à refuser les offres de ma tante, ce que je venais d’apprendre eût suffi pour m’empêcher