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homme doux, poli et très bien élevé. Après avoir essayé de tout pour faire fortune sans réussir à rien, elle se décida à aller au Pérou, espérant que là le sort lui serait moins défavorable. Elle y arriva avec très peu d’argent ; et, ainsi que madame Aubrit de Valparaiso, ce fut encore à Chabrié qu’elle dut de pouvoir s’établir : son hôtel avait prospéré au delà de ses espérances ; lorsque je la connus, elle cherchait à le vendre, désirant revenir en Europe, où elle pourrait vivre à l’aise, avec environ 10,000 livres de rente qu’elle a réalisées. Avec un autre caractère, elle pourrait être très heureuse à Lima. Il n’en est pas ainsi.

Madame Denuelle est douée d’un esprit vif, intelligent ; son cœur, médiocrement sensible, ne s’émeut que dans les grandes occasions. Son éducation, entièrement voltairienne, les rebuffades qu’elle a eues à souffrir dans sa profession, et les trente années de déceptions, de malheurs qu’elle a subies, n’ont pas peu contribué à l’endurcir. Elle n’a jamais eu d’enfants, en sorte qu’aucun sentiment tendre, aucune douce émotion n’est venue jeter quelques fleurs dans cette vie aride, toute d’égoïsme et d’insouciance. Madame Denuelle est généralement détestée à Lima ; ses