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Je vis, chez ma tante, la réunion des hommes la plus distinguée du pays ; le président Orbegoso, le général anglais Miller, le colonel français Soigne, tous les deux au service de la république, Salaberry, la Fuente, etc., etc. Je n’y rencontrai que deux femmes ; les autres délaissaient ma tante, en alléguant l’extrême légèreté de sa conduite ; ces vertueuses dames dissimulaient adroitement, sous ce prétexte, l’aversion qu’elles éprouvaient à s’offrir en parallèle avec une beauté telle que Manuela, auprès de laquelle toutes cessaient d’être belles. Les soirées, chez ma tante, se passaient d’une manière très agréable. Dieu s’est plu à la combler de ses dons ; sa voix, ravissante de suavité, de mélodie, développe les sons avec une méthode admirable. Un Italien, qui résida à Lima pendant quatre ans, émerveillé de ce divin instrument, s’était dévoué avec enthousiasme à le cultiver, et bientôt Manuela avait dépassé son maître. Elle nous chantait, en italien, les plus beaux passages des opéras de Rossini ; et, quand elle était fatiguée, on parlait politique. Ma tante, comme toutes les femmes de Lima, s’occupe beaucoup de politique ; et, dans sa société, je fus à même de