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ral ; mais aussitôt que les Aréquipéniens eurent à s’occuper d’eux-mêmes, ils ne songèrent plus à moi. L’avocat Baldivia se lança au milieu des événements dans l’espoir d’y faire sa fortune, et me fit dire qu’il ne pouvait plus se charger de mon affaire : les autres avocats m’inspiraient peu de confiance, et d’ailleurs me refusèrent également, craignant de se commettre avec don Pio. Sur le sol classique de l’égoïsme, pouvais-je espérer que, dans un temps d’alarmes, ces gens-là pensassent à autre chose qu’à leurs propres intérêts ? Il ne me fallait pas beaucoup de pénétration pour voir que cette révolution me laissait sans la moindre chance de réussite. Mon oncle allait probablement revenir au pouvoir ; cette perspective m’ôtait toute espérance de rencontrer de l’impartialité chez les juges ; un nouvel avenir se dessina devant moi, et il me sembla qu’il y aurait folie, impiété à prétendre résister encore après une pareille manifestation de la Providence. Je baissai la tête sous la puissance des destinées qui pesaient sur moi depuis ma naissance, et, comme le musulman, je m’écriai : Dieu est grand !… J’abandonnai à la fois toute idée de procès et tout espoir de fortune, sachant très bien que je n’avais rien à attendre de la