Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
362

ment des spectateurs : mais, à Lima, rien ne vient poétiser ces scènes de boucheries. Dans ce pays au climat mou et énervant, les chevaux et les taureaux sont sans vigueur, les hommes sans bravoure. Dix minutes après que le taureau est lâché, il se fatigue ; et, pour prévenir l’ennui des spectateurs, les hommes qui sont dans la rotonde, armés d’une faucille emmanchée à une perche, lui coupent les jarrets de derrière ; le pauvre animal ne peut plus aller que sur les deux pieds de devant, et c’est pitié de le voir se traîner ainsi ; dans cet état, les braves toreros liméniens lui jettent des fusées, l’accablent de coups de lance, en un mot le tuent sur place, comme pourraient le faire de maladroits et barbares garçons-bouchers. Le malheureux taureau se débat, pousse des gémissements sourds ; de grosses larmes coulent de ses yeux ; enfin sa tête tombe dans la mare de sang noir qui l’entoure. Alors on sonne des fanfares, tandis qu’on place l’animal mort sur un chariot que quatre chevaux entraînent ensuite au grand galop. Pendant ce temps, le peuple bat des mains, trépigne, crie ; c’est une joie, une exaltation qui semblent égarer toutes les têtes ; huit hommes armés viennent de tuer un