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trations tant que nous fûmes à bord. Nous nous retirâmes tous fort étonnés du changement de ton et de manières que nous avions remarqué dans les officiers de la Samarang et ce fut jusqu’à notre arrivée à Lima le sujet de notre entretien.

L’impression que m’avait laissée ma conversation avec la seňora Gamarra m’agitait tellement, que je ne pus dormir de la nuit. Quelle foule de pensées assaillirent mon esprit. J’avais, par un pouvoir de fascination, lu dans l’ame de cette femme si longtemps enviée et dont la vie en apparence si brillante avait cependant été si misérable ! Je ne pus sans frémir songer que, pendant un temps, j’avais formé le projet d’occuper la position de la seňora Gamarra. Quoi ! me disais-je, tels étaient donc les tourments qui m’étaient réservés si j’eusse réussi dans l’entreprise que je méditais ? J’aurais aussi été en proie aux douleurs, aux humiliations, aux anxiétés. Ah ! combien ma pauvreté, ma vie obscure avec la liberté me paraissaient préférables et plus nobles. J’éprouvais un sentiment de honte d’avoir pu croire un instant au bonheur dans la carrière de l’ambition, et qu’il