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chez moi. Malgré la lettre que j’avais écrite à la famille, don Pio continuait à me témoigner une entière confiance, il me parlait de ses inquiétudes les plus secrètes, me consultait sur tout, et cela avec un abandon et une amitié que moi-même je ne savais comment m’expliquer. Craignait-il mes ressentiments et voulait-il en paralyser les effets ? Je serais tentée de le croire. Je pouvais, par mes relations, lui rendre quelques services, et lorsqu’une personne peut lui être utile, si humble qu’elle soit, don Pio a un talent tout particulier pour s’en servir, ainsi que pour assoupir les haines de ses ennemis.

Depuis les derniers événements, la ville avait complètement changé d’allure : calme, monotone, d’un accablant ennui avant la révolution, elle venait de passer à une agitation extraordinaire, à un mouvement et un vacarme perpétuels. Le gouvernement qui s’était organisé au nom d’Orbegoso devait employer les sommes qu’il avait reçues des propriétaires à mettre sur pied une armée assez forte pour résister à celle de Bermudez. J’étais très au courant de tout ce qui se passait au quartier général ; Althaus avec sa franchise, et le besoin qu’il éprouvait de