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LA MAISON RUSTIQUE.

Des chants mystérieux ou des cors enchantés.
À ce magique son, sur les hauteurs voisines,
Soudain m’ont apparu d’aimables héroïnes ;
Leurs fantômes légers volent devant mes pas :
C’est Sorel dont la voix guidait Charle aux combats,
C’est Étampe et Diane auprès de Gabrielle.
Sous les rayons tremblants de la lune infidèle,
Je les vois tour à tour se montrer, se cacher,
Reparaître, et s’enfuir, quand je crois les toucher ;
Je me fatigue en vain sur leur trace riante.
Est-ce le doux zéphir, ou leur robe ondoyante,
Qui fait frémir la feuille, et glissant dans les airs,
Murmure autour de moi sous ces berceaux déserts ?

 Tel est des vieux manoirs le charme et la puissance ;
Leur fière antiquité fait leur magnificence.
Que de larges couverts étendus à l’entour,
Quand je sors du château, me dérobent au jour !
Entre les verts tilleuls, à la rose mêlées
Les fleurs du seringat parfument les allées :
Un sentier spacieux accueille mes amis,
Et sur un fin gravier mes pas sont affermis.
Rien ne gêne ma route, et d’espace en espace
Ma paresse rencontre un banc qui la délasse.
Je reprends mon chemin, et m’avançant toujours,
Je me suis enfoncé, de détours en détours,
Dans quelque bois profond chargé de noirs feuillages ;
Je vois fuir le château, les fermes, les villages ;
Je me croirais perdu loin du monde habité,
Si tout-à-coup, au creux d’un vallon écarté,