Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/150

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difficulté. D’autre part ces gens-ci s’en vengent en tournant les raisonneurs en ridicules, et c’est, ce me semble, un ordre très bien établi que chaque espèce méprise ce qui lui manque. Il faudrait, s’il étoit possible, s’accommoder à chacune ; il eût bien mieux valu plaisanter des habitants des planètes avec ces deux hommes que vous venez de voir, puisqu’ils savent plaisanter, que d’en raisonner, puisqu’ils ne le savent pas faire. Vous en seriez sortie avec leur estime, et les planètes n’y auroient pas perdu un seul de leurs habitants. Trahir la vérité ! dit la Marquise. Vous n’avez point de conscience. Je vous avoue, répondis-je, que je n’ai pas un grand zèle pour ces vérités-là, et que je les sacrifie volontiers aux moindres commodités de la société. Je vois, par exemple, à quoi il tient, et à quoi il tiendra toujours, que l’opinion des habitants des planètes ne passe pour aussi vraisemblable qu’elle l’est ; les planètes se présentent toujours aux yeux comme des corps qui jettent de la lumière, et non point comme de grandes campagnes ou de grandes prairies ; nous croirions bien que des prairies et des campagnes seroient habitées, mais des corps lumineux, il n’y a pas moyen. La raison a beau venir nous dire qu’il y a dans les planètes des campagnes, des