Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/17

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FULVIE.

Rien n’est plus vrai, ma chère Hélène ; car parmi nous autres mortes, cet aveu ne tire pas à conséquence. Marc-Antoine était fou de la comédienne Cithéride, et j’eusse bien voulu me venger de lui, en me faisant aimer d’Auguste ; mais Auguste était difficile en maîtresse : il ne me trouva ni assez jeune, ni assez belle ; et quoique je lui fisse entendre qu’il s’embarquait dans la guerre civile, faute d’avoir quelques soins pour moi, il me fut impossible d’en tirer aucune complaisance. Je vous dirai même si vous voulez, des vers qu’il fit sur ce sujet, et qui ne sont pas trop en mon honneur ; les voici :

Parce qu’Antoine est charmé de Glaphire,

(c’est ainsi qu’il appelle Cithéride.)

Fulvie à ses beaux yeux me veut assujétir.
Antoine est infidèle. Hé bien donc, est-ce à dire
Que des fautes d’Antoine on me fera pâtir ?
   Qui, moi, que je serve Fulvie ?
   Suffit-il qu’elle eu ait envie ?
À ce compte, on verrait se retirer vers moi
   Mille épouses mal satisfaites.
Aime-moi, me dit-elle, ou combattons ; mais quoi ?
Elle est bien laide ! Allons, sonnez, trompettes.

HÉLÈNE.

Nous avons donc causé, vous et moi, les deux plus grandes guerres qui aient peut-être jamais été : vous celle d’Antoine et d’Auguste, et moi celle de Troie ?

FULVIE.

Mais il y a cette différence, que vous avez causé la