Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/242

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pauvre moderne, car de quelle rigueur n’est-on point sur les raisonnements? On veut qu’ils soient intelligibles, on veut qu’ils soient justes, on veut qu’ils concluent. On aura la malignité de démêler la moindre équivoque, ou d’idées, ou de mots; on aura la dureté de condamner la chose du monde la plus ingénieuse, si elle ne va pas au fait. Avant M. Descartes on raisonnait plus commodément; les siècles passés sont bienheureux de n’avoir pas eu cet homme-là. C’est lui, à ce qu’il me semble, qui a amené cette nouvelle méthode de raisonner, beaucoup plus estimable que sa philosophie même, dont une bonne partie se trouve fausse, ou fort incertaine, selon les propres règles qu’il nous a apprises. Enfin il règne non seulement dans nos bons ouvrages de physique et de métaphysique, mais dans ceux de religion, de morale, de critique, une précision et une justesse qui jusqu’à présent n’avaient été guère connues.

Je suis même fort persuadé qu’elles iront encore plus loin. Il ne laisse pas de se glisser encore dans nos meilleurs livres quelques raisonnements à l’antique, mais nous serons quelque jour anciens, et ne sera-t-il pas bien juste que notre postérité à son tour nous redresse et nous surpasse, principalement sur la manière de raisonner, qui est une science à part, et la plus difficile, et la moins cultiver de toutes?

Pour ce qui est de l’éloquence et de la poésie, qui font le sujet de la principale contestation entre les anciens et les modernes, quoiqu’elles ne soient pas en elles-mêmes fort importantes, je crois que les anciens en ont pu atteindre la perfection, parce que, comme j’ai dit, on la peut atteindre en peu de siècles, et je