Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/243

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ne sais pas précisément combien il en faut pour cela. Je dis que les Grecs et les Latins peuvent avoir été excellents poètes et excellents orateurs, mais l’ont-ils été? Pour bien éclaircir ce point, il faudrait entrer dans une discussion infinie, et qui, quelque juste et quelque exacte qu'elle put être, ne contenterait jamais les partisans de l’antiquité. Le moyen de raisonner avec eux? Ils sont résolus à pardonner tout à leurs anciens. Que dis-je, à leur pardonner tout? à les admirer sur tout. C’est là particulièrement le génie des commentateurs, peuple le plus superstitieux de tous ceux qui sont dans le culte de l’antiquité. Quelles beautés ne se tiendraient heureuses d’inspirer à leurs amants une passion aussi vive et aussi tendre, que celle qu’un Grec ou un Latin inspire à son respectueux interprète?

Cependant je dirai quelque chose de plus précis sur l’éloquence et sur la poésie des anciens; non que je ne sache assez le péril qu’il y a à se déclarer; mais il me semble que mon peu d’autorité et le peu d’attention qu’on aura pour mes opinions, me mettent en liberté de dire tout ce que je veux. Je trouve que l’éloquence a été plus loin chez les anciens que la poésie, et que Démosthène et Cicéron sont plus parfaits en leur genre qu’Homère et Virgile dans le leur; j’en vois une raison assez naturelle. L’éloquence menait à tout dans les républiques des Grecs, et dans celle des Romains, et il était aussi avantageux d’être né avec le talent de bien parler, qu’il le serait aujourd’hui d’être né avec un million de rente. La poésie au contraire n’était bonne a rien, et ç'a été toujours la même chose dans toutes sortes de gouvernements; ce vice-là lui est bien essentiel. Il me parait encore que sur la poésie et l’éloquence