Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/73

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tement que vous aviez enfin découvert la vérité. On a déjà été trompé par tant d’autres qui l’assuraient aussi, que quand il se présente de nouveaux philosophes, je m’étonne que tout le monde ne dise d’une voix : « Quoi ! est-il encore question de philosophes et de philosophie ? »

DESCARTES.

On a quelque raison d’être toujours trompé par les promesses des philosophes. Il se découvre de temps en temps quelques petites vérités peu importantes, mais qui amusent. Pour ce qui regarde le fond de la philosophie, j’avoue que cela n’avance guère. Je crois aussi que l’on trouve quelquefois la vérité sur des articles considérables : mais le malheur est qu’on ne sait pas qu’on l’ait trouvée ; car la philosophie (je crois qu’un mort peut dire tout ce qu’il veut) ressemble à un certain jeu à quoi jouent les enfans, où l’un d’entre eux, qui a les yeux bandés, court après les autres. S’il en attrape quelqu’un, il est obligé de le nommer ; s’il ne le nomme pas, il faut qu’il lâche prise et recommence à courir. Il en va de même de la vérité. Il n’est pas que nous autres philosophes, quoique nous ayons les yeux bandés, nous ne l’attrapions quelquefois ; mais quoi ! nous ne lui pouvons pas soutenir que c’est elle que nous avons attrapée, et dès ce moment là elle nous échappe.

LE FAUX DÉMÉTRIUS.

Il n’est que trop visible qu’elle n’est point faite pour nous. Aussi vous verrez qu’à la fin on ne songera plus à la trouver ; on perdra courage, et on fera bien.

DESCARTES.

Je vous garantis que votre prédiction n’est pas bonne.