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LA DUCHESSE DE VALENTINOIS.

Vous ne connaissez pas bien les hommes. Quand on paraît aimable à leurs yeux, on paraît à leur esprit tout ce qu’on veut, vertueuse même, quoiqu’on ne soit rien moins ; la difficulté n’est que de paraître aimable à leurs yeux aussi long-temps qu’on voudrait.

ANNE DE BOULEN.

Vous m’avez convaincue ; je vous cède : mais du moins que je sache de vous par quel secret vous réparâtes votre âge. Je suis morte, et vous pouvez me l’apprendre, sans craindre que j’en profite.

LA DUCHESSE DE VALENTINOIS.

De bonne foi, je ne le sais pas moi-même. On fait presque toujours les grandes choses sans savoir comment on les fait, et on est tout surpris qu’on les a faites. Demandez à César comment il se rendit le maître du monde : peut-être ne vous répondra-t-il pas aisément.

ANNE DE BOULEN.

La comparaison est glorieuse.

LA DUCHESSE DE VALENTINOIS.

Elle est juste. Pour être aimée à mon âge, j’ai eu besoin d’une fortune pareille à celle de César. Ce qu’il y a de plus heureux, c’est qu’aux gens qui ont exécuté d’aussi grandes choses que lui et moi, on ne manque point de leur attribuer après coup des desseins et des secrets infaillibles, et de leur faire beaucoup plus d’honneur qu’ils ne méritaient.