Page:Forbin - Souvenirs de la Sicile.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
SOUVENIRS

paysans, imaginant que leurs mulets s’étaient échappés ou que les bœufs du voisin ravageaient leurs champs, sortaient sans défiance, et ne faisaient pas quatre pas sans être chargés de fers.

Je me reposai de la mauvaise nuit d’Alicata, dans un jardin, sous des orangers, à moitié chemin de cette ville à Calta Girone, où nous devions coucher. Pendant ce trajet, qui fut de trente-huit milles, nous vîmes des laboureurs, portant les livrées de la misère, quitter des champs de blé d’une lieue de longueur pour venir nous demander l’aumône. Rien n’est à eux ; ils inondent de leurs sueurs l’héritage d’un maître qu’ils ne voient jamais ; des gens de loi, des intendans, se placent toujours entre le cultivateur, qui meurt de faim, et les grands seigneurs qu’ils ruinent.

La chaleur me parut plus étouffante en Sicile qu’en Afrique. Le soleil calcine votre tête, et la terre brûle vos pieds. L’eau est rare et malsaine : aussi dans une course un peu longue, lorsqu’on atteint le milieu de la journée, la soif dévore les hommes et les animaux ; aperçoit-on un ruisseau, tous se raniment pour s’y précipiter. On se plaignait que des sources