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SOUVENIRS

d’Oreille de Denys, elle est immense ; mais il n’est pas vrai que Michel-Ange de Caravage, qui n’a jamais été en Sicile, lui ait donné ce nom, quoiqu’il soit parfaitement exact de dire qu’une portion de cette singulière caverne rappelle la construction d’une oreille humaine : cette comparaison n’appartient même pas à Polydore de Caravage, quoique ce dernier ait habité Messine. Denys se servait-il de ce lieu pour épier les soupirs de ses victimes ? Voilà ce qui est aussi possible que peu certain. Ce labyrinthe immense, ces voûtes dans lesquelles joue et se perd la lumière, cette piscine taillée dans le roc vif, ces aqueducs qui partent de ce lieu pour porter toute une rivière de l’autre côté des latomies et au-dessus des théâtres, ces efforts de l’homme, cet écho si retentissant, tout frappe les sens et l’imagination. Ce lieu semble être le redoutable sanctuaire d’Endor : on y attend les paroles les plus effrayantes et les visions les plus fantastiques.

J’ai déjà parlé de l’Épipole, de ces murs de Denys élevés en vingt jours ; soixante mille hommes et six mille bœufs se relevaient pour y travailler, même malgré les ténèbres. Ces