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SOUVENIRS

ce que voulaient ses pères ; une partie du bas peuple vit même aux dépens des abus, et travaille à les perpétuer, comme les mendians de Rome cherchent à entretenir leurs plaies.

Jamais ce pays ne fournit plus de moines ; jamais ils ne furent plus riches, et l’éclat de leur embonpoint fait des serviteurs de Dieu en Sicile une caste d’élus, qui seraient trahis par le coloris de leurs joues, s’ils troquaient leur froc contre un habit civil. Cet heureux équilibre de santé et de repos inspire ordinairement à ces moines un grand esprit de tolérance ; ils ignorent ou pardonnent toutes les hérésies. Cependant, chez les ordres plus austères, on rencontre souvent des imaginations qui s’exaltent dans la retraite. Quelques cénobites sèchent, jaunissent ; leurs yeux noirs, pleins de feu, s’embrasent encore de toutes les ardeurs de la pénitence. L’indulgence est plus rare chez ces derniers, qui semblent offrir l’idéal du fanatisme.

Je me plaisais à voir chaque jour le prieur des Bénédictins se promener en calèche et sourire en passant avec un petit geste tendre à ses amis ou à des moines qui prenaient des glaces, assis devant la porte d’un café.