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DE LA SICILE.

voûtes, et sont désormais les seuls habitans du vaste et silencieux palais des maîtres du monde.

Je regrettais souvent de ne plus voir avec le même intérêt ce que j’admirais avec transport dans ma jeunesse : il en est des sensations, des illusions de la vie, comme des verres d’une optique qui suffit à charmer les enfans ; plus tard les peintures nous en paraissent trop médiocres ; les verres se brouillent, se ternissent ; nous ne jouissons plus de rien.

Si l’on est plus frappé de la vue des grands monumens de l’antiquité, des ruines en général, la première fois qu’ils s’offrent à vos regards, c’est qu’à la nouveauté de cette sensation se joint un attrait irréfléchi : il semble que les dernières pensées des anciens se confondent avec votre première émotion, et qu’entre eux et vous il n’y ait rien eu d’intermédiaire.

Je trouvais, avec de grands changemens dans la société romaine, quelque chose d’éteint chez les personnes que j’avais connues les plus animées et les plus spirituelles. Je ne parle pas des beaux visages qui s’étaient flétris, mais de tous les amis de ma jeunesse qui avaient marché à grands pas dans notre vallée de misère. Com-