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LE RAJAH DE BEDNOURE,

Solamé et le désespoir de la famille Makinston à cette nouvelle. Je considérais les traits devenus méconnaissables de celui auquel je n’apportais que des paroles de douleur. Il m’avait prévenu, et s’était réfugié dans les régions de la paix. Le spectacle de la mort est celui qui réveille le plus fortement les idées religieuses : je priais avec ferveur, quand plusieurs esclaves entrèrent chargés d’aromates ; ils furent bientôt suivis par un jeune seigneur indien d’une figure noble et imposante : on lui témoignait le respect le plus profond ; c’était le rajah de Bednoure.

Son premier regard sembla me deviner ; il me traita comme un homme qu’il attendait. Sa main droite se plaça sur le corps du colonel, à la manière de l’Orient. « Vous étiez sans doute l’ami de cet Anglais, me dit-il avec une tristesse grave et majestueuse ; vous le plaignez, et d’autres vont détester la vie, parce qu’il n’est plus. Je puis envier son sort. Qui êtes-vous ? de la part de qui venez-vous ? » Je lui expliquai tout cela fort brièvement, et sans oser parler encore de la véritable cause dé mon voyage. Mais la réserve devenait inutile : Misra était instruit de tout, même des moindres détails et des