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SOUVENIRS

cendu dans des vallées, traversé une petite rivière, on arrive enfin dans une solitude grave et austère. Peut-être le printemps était-il pour quelque chose dans l’impression qui me reste de la situation de Ségeste ; cette ville est grande, imposante, et ne mérite pas le mal qu’on en dit dans le Voyage de Saint-Non.

Assis à l’ombre des colonnes de ce temple de Cérès ou de Vénus si admiré et tant de fois dessiné, je m’inquiétais peu de savoir à laquelle de ces deux déesses il avait pu être consacré ; je jouissais du charme d’une journée admirable, que des milliers d’oiseaux célébraient à l’envi. Les éperviers sortaient en criant du faîte de l’antique édifice, et des lézards couleur d’émeraude quittaient les fentes de ces colonnes dorées par le soleil. Ce monument demeure comme le seul témoin de la piété et de la richesse de l’antique Ségeste. La rivale de Sélinonte dort, comme elle, dans la poussière ; le temps a effacé jusqu’aux inscriptions qui attestaient la haine réciproque de ces deux grandes cités.

Ces fils religieux de la malheureuse Troie avaient donné les noms du Simoïs et du Scamandre à deux ruisseaux voisins du théâtre. Le