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DESCARTES.

tains. L’antiquité ne l’inquiète guère ; les mœurs du présent, avec leur diversité, l’occupent davantage : il semble qu’il éprouve une sorte de plaisir philosophique à voir combien tout est changeant dans le monde de l’expérience humaine, de nos lois et de nos mœurs, par opposition à ce monde immuable de la raison et des idées où il demeure toujours attaché par la pensée. Ainsi apprend-il à ne rien croire de ce qui n’est fondé « que sur la coutume, non sur la raison ». D’Italie, il rentre en France par la vallée de Suse, mais il se détourne de quelques lieues pour calculer la hauteur du Mont Cenis, y faire des observations météorologiques et chercher la cause des avalanches. Bientôt, à la suite d’entretiens avec le cardinal de Bérulle, il prend la résolution, depuis longtemps projetée, de se livrer tout entier et définitivement à la philosophie, et cela, non pas seulement en vue de la spéculation pure, mais « pour procurer, autant qu’il était en lui, le bien de ses semblables ». Descartes, en effet, eut toujours des préoccupations pratiques autant que théoriques. Il comparait volontiers la science universelle à un arbre dont la métaphysique est la racine, la physique le tronc, et dont les trois grandes ramifications sont la mécanique, la médecine et la morale, où s’épanouissent enfin tous les fruits qu’il est donné à l’homme de cueillir. Si, plus tard, il se retire en Hollande, dans le « désert » d’un peuple affairé, c’est pour accomplir en repos ce grand dessein. « Jusqu’à ce moment, dit son