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L’HOMME.

du jour avec celles de la nuit ; et quand je m’aperçois d’être éveillé, c’est seulement afin que mon contentement soit plus parfait et que mes sens y participent ; car je ne suis pas si sévère que de leur refuser rien qu’un philosophe leur puisse permettre sans offenser sa conscience. » Les choses de la vie, en effet, qui se rapportent à « l’union de l’âme et du corps » se connaissent mal par « l’entendement et l’imagination », et « très clairement par les sens » ; c’est donc en vivant qu’on a la vraie notion de la vie, qu’on se sent « une seule personne qui a ensemble un corps et une pensée ». Il conseille à Élisabeth de faire comme lui, de se laisser vivre, de ne point s’absorber trop longtemps ni trop exclusivement dans les pensées métaphysiques. Avis aux philosophes et au commun des mortels.

C’est sur les instances de la princesse Élisabeth que Descartes écrivit son Traité des passions de l’âme ; plus tard il envoya à la reine de Suède son manuscrit, qui ne fut publié qu’en 1649 à Amsterdam. Descartes se plaisait à avoir pour disciples des femmes de haute intelligence. Il leur trouvait moins de préjugés, un esprit plus naturel, plus ouvert, plus sincère, par cela même une heureuse docilité, et tant d’empressement à le suivre ! Les femmes, d’ailleurs, ayant le sens délicat des choses du cœur et de la conduite, s’intéressent surtout aux questions psychologiques et morales. Si Descartes commente Sénèque, s’il recherche en quoi consiste le souverain bien, c’est pour répondre soit à Élisa-