Vraiment je voudrais que leur folie s’appelât vérité, ou fidélité,
ou justice ; mais ils ont leur « vertu » pour vivre longtemps
dans un misérable contentement de soi.
Je suis un garde-fou au bord du fleuve : que celui qui peut
me saisir me saisisse !
Ainsi parla Zarathoustra[1].
Voici cependant le conseil que je vous donne, mes amis :
méfiez-vous de tous ceux dont l’instinct de punir est puissant !
C’est une mauvaise engeance et une mauvaise race : ils ont
sur leur visage les traits du bourreau et du ratier.
Méfiez-vous de tous ceux qui parlent beaucoup de leur
justice ! En vérité, ce n’est pas seulement le miel qui manque à
leurs âmes.
Et s’ils s’appellent eux-mêmes les bons et les justes, n’oubliez
pas qu’il ne leur manque que la puissance pour être des pharisiens.
Ainsi parla Zarathoustra[2] .
Mais Zarathoustra ne parle-t-il point précisément comme les socialistes, les anarchistes elles démocrates ?
Je n’aime pas votre froide justice ; dans les yeux de vos juges
passe toujours le regard du bourreau et son couperet glacé.
Dites-moi où se trouve la justice qui est l’amour avec des
yeux clairvoyants ?
Inventez-moi donc l’amour qui porte non seulement toutes
les punitions, mais aussi toutes les fautes !
Inventez-moi donc la justice qui acquitte chacun, sauf celui
qui juge !
Mais comment saurais-je être juste au fond de l’âme ? Comment
pourrais-je donner à chacun le sien ? Que ceci me suffise ;
je donne à chacun le mien ![3]
Nietzsche a quelque part appelé Renan le « demi-prêtre, demi-satyre » ; il est cependant tout plein de ses idées ou plutôt de ses fantaisies. Si Renan dit que