Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
la venue du surhomme

physique de Nietzsche, qui a refusé toute signification et toute justification an Tout. Nietzsche rêve, comme Renan, la domination des surhommes, mais il ne croit pas que ce doivent être des savants, car « la science, dit-il avec dédain, est œuvre de démocratie » ; elle jure avec l’aristocratie ; ce sont donc des Napoléons de la puissance, non de la science, qui régneront.

Notre époque, par malheur, est celle de la médiocrité et de l’égalité où elle se complaît.

    Lorsque je vins pour la première fois parmi les hommes, je fis la folie du solitaire, la grande folie : je me mis sur la place publique.
    Et comme je parlais à tous, je ne parlais à personne. Mais le soir, des danseurs de corde et des cadavres étaient mes compagnons ; et j’étais moi-même presque un cadavre.
    Mais, avec le nouveau matin, une nouvelle vérité vint vers moi : alors j’appris à dire : « Que m’importent la place publique et la populace et le bruit de la populace et les longues oreilles de la populace ! »
    Hommes supérieurs, apprenez de moi ceci : sur la place publique personne ne croit à l’homme supérieur, et si vous voulez y parler, soit ; mais la populace cligne de l’œil. « Nous sommes tous égaux. »
    Hommes supérieurs, il n’y a pas d’hommes supérieurs, ainsi cligne de l’œil la populace : nous sommes tous égaux, un homme vaut un homme devant Dieu. Nous sommes tous égaux devant
Dieu. Mais maintenant ce Dieu est mort. Devant la populace, cependant, nous ne voulons pas être égaux. Hommes supérieurs, éloignez-vous de la place publique.


Notre époque est aussi celle de la foi à la morale, à la vertu, à la justice, à la bonté, toutes choses que doit « surmonter » le Surhomme :

    « L’homme est méchant, ainsi parlaient pour ma consolation tous les plus sages. » Hélas ! si c’était encore vrai aujourd’hui ! Car le mal est la meilleure force de l’homme.
    L’homme doit devenir meilleur et plus méchant — c’est ce que j’enseigne, moi. Le plus grand mal est nécessaire pour le plus grand bien du Surhumain.
    Cela pouvait être bon pour ce prédicateur des petites gens