Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
nietzsche et l’immoralisme


Qu’à cela ne tienne, répond Nietzsche : pour que le passé soit lui-même œuvre de notre volonté, nous n’avons qu’à le vouloir lui-même.

    « Tout ce qui fut est fragment, et énigme, et épouvantable hasard, — jusqu’à ce que la volonté créatrice ajoute : — « Mais c’est ainsi que je le voulais »
    « Jusqu’à ce que la volonté créatrice ajoute : « Mais c’est ainsi que je le veux c’est ainsi que je le voudrai ! »


Notre salut, c’est donc de nous persuader que ce qui fut, ce qui est, ce qui sera, nous le voulons, nous le créons nous-même par notre volonté. Bien plus, nous voulons que ce qui fut recommence d’être, revienne à l’existence dans le cercle éternel qui tourne éternellement sur soi ; ainsi nous sommes rachetés, sauvés du destin en l’acceptant, en le voulant. Au moment même où je meurs en vertu des fatalités qui régissent la vie et la mort, je n’ai qu’à me dire : je veux mourir, ma mort fatale deviendra une mort libre. C’est en se résignant à l’inévitable, à ce dont elle ne change le plus petit iôta, que la volonté est « créatrice » !

La rédemption de Zarathoustra ne serait-elle point une tromperie ? Nietzsche, qui se dit plus optimiste que Schopenhauer, n’est-il point englouti dans un pessimisme plus profond ? Au-dessus des douleurs de ce monde, Schopenhauer élevait avec les bouddhistes le nirvana, mais il avait soin d’ajouter que, « si le nirvana est défini comme non-être, cela ne veut rien dire, sinon que ce monde (ou sansâra) ne contient aucun élément propre qui puisse servir à la définition ou à la construction du nirvana ». Le néant relatif à nous n’est donc nullement le néant absolu ; il peut constituer, tout au contraire, l’être véritable. « Nous reconnaissons volontiers, dit Schopenhauer dans la phrase célèbre qui termine son livre, que ce qui reste après l’abolition complète de la volonté n’est absolument rien pour ceux qui sont encore pleins du vouloir-vivre. Mais, pour ceux chez qui la