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conclusion

guerre au service des vainqueurs contre les vaincus, sans autre rôle que de défendre l’état de choses existant, c’est-à-dire de perpétuer l’écrasement du faible actuel par le fort actuel ». Ils avaient ainsi « mis en évidence le caractère essentiellement inhibiteur et stérilisant » de l’État. Loin de pouvoir être un ressort pour l’activité individuelle, « L’État ne peut que comprimer, paralyser et annihiler les efforts de l’individu »[1] . Stirner, lui, a fait un pas de plus. Il a mis en lumière « l’étouffement des forces vives de l’individu par la végétation parasite et stérile des facteurs régulateurs moraux ». Il dénonce dans la justice, dans la moralité, dans tout l’appareil des sentiments « chrétiens » une nouvelle police, « une police morale, ayant même origine et même but que la police de l’État : prohiber, refréner et immobiliser. Les veto de la conscience s’ajoutent aux veto de la loi ; grâce à elle, la force d’autrui est sanctifiée et s’appelle le droit, la crainte devient respect et vénération, et « le chien apprend à lécher le fouet de son maître.[2] »

Les premiers libertaires avaient abouti à cette conclusion : « Que l’individu puisse se réaliser librement sans qu’aucune contrainte extérieure s’oppose à la mise en œuvre de ses facultés ! L’activité libre seule est féconde. » Stirner leur répond : — Ce n’est pas encore assez ; il faut que l’individu « puisse vouloir librement et ne cherche qu’en lui seul sa règle, sans qu’aucune crainte intérieure s’oppose à l’épanouissement de sa personnalité : seule l’individuelle volonté est créatrice. »

Guyau, lui, sans tomber dans les excès de Stirner, que d’ailleurs il n’avait pas lu, montra que l’individualisme avait été mal compris et que, mieux entendu, il se concilie avec le solidarisme. Ceux qui représentent

  1. M. Reclaire, Préface de Stirner.
  2. M. Reckaire, ibid.