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Scène I



Eugène, Abbé. Messire Jean, Chapelain.


Eugène


La vie aux humains ordonnée

Pour être si tôt terminée,

Ainsi que même tu as dit,

Doit-elle, pour croire à crédit, [90]

Se charger de tant de travaux ?

Messire Jean


Le seul souvenir de nos maux,

Qui jà vers nous ont fait leur tour,

Ou de ceux qui viendront un jour,

L'appréhension incertaine [95]

Empoisonne la vie humaine :

Et d'autant qu'ils la font plus griève,

Ils la font aussi plus briève.

Mais qui sait mieux en ce bas-ci

Que vous, Monsieur, qu'il est ainsi ? [100]

Eugène


Il ne faut donc que du passé

Il soit après jamais pensé,

Il faut se contenté du bien

Qui nous est présent, et en rien

N'être du futur soucieux. [105]

Messire Jean


Ô grand Dieu, qui dit onques mieux !

Eugène


Comment donc ne consent-on point

De s'aimer soi-même en ce point,

De se flatter en son bonheur,

De s'aveugler en son malheur, [110]

Sans donner entrée au souci ?

Messire Jean


C'est abus, il faut faire ainsi.

Eugène


En tout ce beau rond spacieux,

Qui est environné des Cieux,