Scène I
La vie aux humains ordonnée
Pour être si tôt terminée,
Ainsi que même tu as dit,
Doit-elle, pour croire à crédit, [90]
Se charger de tant de travaux ?
Le seul souvenir de nos maux,
Qui jà vers nous ont fait leur tour,
Ou de ceux qui viendront un jour,
L'appréhension incertaine [95]
Empoisonne la vie humaine :
Et d'autant qu'ils la font plus griève,
Ils la font aussi plus briève.
Mais qui sait mieux en ce bas-ci
Que vous, Monsieur, qu'il est ainsi ? [100]
Il ne faut donc que du passé
Il soit après jamais pensé,
Il faut se contenté du bien
Qui nous est présent, et en rien
N'être du futur soucieux. [105]
Ô grand Dieu, qui dit onques mieux !
Comment donc ne consent-on point
De s'aimer soi-même en ce point,
De se flatter en son bonheur,
De s'aveugler en son malheur, [110]
Sans donner entrée au souci ?
C'est abus, il faut faire ainsi.
En tout ce beau rond spacieux,
Qui est environné des Cieux,