Du temps, elle se complaint
Que l'amour assez ne m'atteint. [310]
Ô dueil heureux !
Elle s'apaise,
Elle accourt, et plus fort me baise :
Puis s'arrêtant elle se mire
Dedans mes yeux.
Ô doux martyre !
Et folâtrant elle rempoigne [315]
Mes lèvres, qui font une trogne,
Afin que d'elle elles soient morses :
Et quant est des autres amorces,
Pense que peut en cela faire
Celle qui se plaît en l'affaire. [320]
Qui pourrait être homme tant froid,
Qui ne s'émeut en cet endroit ?
Mais où me suis-je promené ?
Où l'amour m'a-t-il jà trainé ?
Ore donc sache en cette affaire [325]
Comment il te faut me complaire
Au long discours de cette chose.
Deux points tous seuls je te propose :
La peur que j'ai que ce sottard
Découvre la braise qui m'ard : [330]
Et la peur que j'ai qu'en ma Dame
Ne s'allume quelque autre flamme.
Au premier tu remédieras,
Quand ce lourdaud gouverneras,
L'assurant que j'ai bonne envie [335]
De lui aider toute sa vie :
Quand tu le mèneras au jeu,
Quand l'amadouant peu à peu,
Tu le rendras ami de toi,
Autant que sa femme est de moi, [340]
Afin qu'ayez l'entrée sûre.
Quant est du second, je t'assure
Qu'il te faudra prendre cent yeux,