Comme les soldats d'Hannibal.
Quittons l'amour, laissons le bal,
Oublions ces folles rencontres,
Faisons tournois, faisons des monstres,
Et pendons encores les prix [635]
Pour guerdonner les mieux appris.
Estimez-vous l'ennemi mort ?
Sachez que pour un temps il dort,
Pour veiller plus longtemps après :
Mêmes de jour en jour plus près [640]
Tâche s'approcher de nos forces :
Et après les douces amorces,
Penseriez-vous les maux souffrir
Qui se viendront à nous offrir.
Endureriez-vous seulement [645]
Les maux qu'eûmes dernièrement,
Par trois jours le défaut de pain,
Maint fâcheux mont, âpre et hautain,
Ces gros brouillards, cette gelée,
Et puis cette pluie écoulée [650]
Qui souvent servait de breuvage :
Ce flux de sang qui fît outrage
Sans épargner soldat ni Prince.
Je trépigne, et les dents je grince,
Quand je vois l'excessif et brave [655]
D'avoir un bel habit et grave,
Bien découpé : ne passons pas
Des Gentilshommes les états.
Pour voir quelque dame connue
Qu'on a devant la guerre vue : [660]
C'est raison de se rafraîchir
Mais depuis qu'on vient à franchir,
Fi fi de superfluité
Mais jà trop me suis excité :
Puis je vois mon homme venir, [665]
À lui voir ses gestes tenir
Il querelle en soi quelque chose,
Au fond de sa cervelle enclose.
Ici le vais guetter de loin,
Attendant que j'aie besoin [670]
D'aller avec ma bonne Alix
Éprouver le branle des lits.
Laquais, vois-tu pas bien les mines ?
Oui Monsieur, sont des plus fines.
Scène II