Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/422

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De Satrapes captifs, et d'illustres beautés,

De chameaux chargés d'or, de meubles magnifiques,

Les trésors amassés par tant de Rois Persiques ;

Ou quand je t'aperçois sur ce trône éclatant,

Dont l’œil de tous les Grecs se trouva si content, [1210]

Goûter avec plaisir les fruits de ta victoire ;

Quel vainqueur dis-je alors eut jamais tant de gloire ?

Mais quand par trop de cœur je te vois engager

Au bourg des Malliens en un si grand danger,

En ce lieu malheureux, qui crut porter la marque [1215]

De l'indigne tombeau d'un si digne Monarque,

Je tremble en te voyant le premier à l'assaut.

Les échelles se rompre, et toi seul sur le haut

Qui frappes de l'épée, et du bouclier te pares

Du choc impétueux de mille traits barbares : [1220]

Mais l'effroi me saisit, et d'horreur je frémis,

Quand tu te lances seul dans l'enclos ennemi ;

Et que seul tu soutiens les puissantes attaques

Des plus désespérés d'entre les Oxydraques.

C'est là, puisque si tard on te vint secourir, [1225]

Si ton corps fut mortel, que tu devais mourir.

Aussi n'étais-tu pas d'une mortelle essence,

Le plus puissant des Dieux te donna la naissance ;

Jamais mortel ne fit tant d'exploits glorieux,

Et ne porta si loin son bras victorieux. [1230]

Plus digne fils des Dieux qu'un Bacchus, qu'un Hercule,

Croire que tu sois mort, c'est chose ridicule.

De tes membres divins la précieuse odeur

Marquait évidemment ta céleste grandeur.

Non, tu vis dans les cieux (car par quelque aventure [1235]

Quelque corps pour le tien fut mis en sépulture)

Mais je croirais plutôt que tu fus transporté

Dans le charmant séjour d'un palais enchanté ;

Où ta jeune vigueur, ta beauté, ton courage,

Du temps ni de la mort ne craignent point l'outrage. [1240]

Et si tu veux savoir l'espoir de mon amour,

C'est que d'un si beau lieu tu sortiras un jour :

Tu sèmeras l'effroi sur la terre et sur l'onde,

Poursuivant ton dessein des conquêtes du monde :

Ô le charmant plaisir que je dois recevoir, [1245]

Si j'ai durant mes jours le bonheur de te voir !