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Scène IV



Lysandre, Hespérie, Alcidon, Mélisse


LYSANDRE
.


Hé bien, belle Hespérie, Alcidon ce bon père

Vous marie aujourd'hui : c'est de vous qu'il espère

Un coeur obéissant : Vous auriez à choisir.

HESPÉRIE
.


Hélas ! Je le sais bien c'est tout mon déplaisir : [1800]

De vrai je puis choisir entre près de cent mille :

Mais funeste richesse ! Abondance inutile !

Si j'en vais choisir un, quel barbare dessein ?

Je mets à tout le reste un poignard dans le sein.

ALCIDON
.


Vous croyez un peu trop que chacun vous adore. [1805]

HESPÉRIE
.


Ah ! Quel aveuglement ? En doutez-vous encore ?

Voulez-vous publier que je vais faire un choix,

Pour voir combien d'Amants vivent dessous mes lois ?

Ah ! Mon père, l'épreuve en serait trop cruelle.

Voudriez-vous à ce point me rendre criminelle ? [1810]

Soudain que l'on verrait l'heureux choix de mes yeux,

Ce glorieux Amant, ce favori des cieux,

Les autres hors d'espoir, tristes et misérables

Feraient tout retentir de cris épouvantables :

Les uns se noieraient aux plus prochaines eaux ; [1815]

D'autres iraient chercher le secours des corbeaux :

Les uns se lanceraient du haut des précipices :

Je verrais devant moi les sanglants sacrifices

Des autres dont la main finirait le malheur :

Et le reste mourrait de sa propre douleur. [1820]

Mon âme ferait bien en cruauté féconde,

D'exterminer pour un, tout le reste du monde.

ALCIDON
.


Bons Dieux ! Quelle folie ?

HESPÉRIE
.


Ah ! Pour l'heur d'un amant,

Voudriez-vous que le reste entrât au monument ?

Non, je n'en ferai rien, je n'ai pas ce courage : [1825]

Je me veux pour jamais privé du mariage.