Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/449

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


SCÈNE DERNIÈRE. Artabaze, Lysandre, Alcidon, Filidan, Amidor, Phalante, Mélisse, Hespérie, Sestiane.

ARTABAZE
.


Hé bien, mes bons amis, vous êtes assemblés :

C'est pour me recevoir : je crois que vous tremblez :

À peine souffrez-vous mes regards effroyables : [1985]

Je veux pour vous parler les rendre supportables :

Car je ne pourrais pas sans cet ajustement,

Avec nul des mortels converser un moment.

LYSANDRE
.


Cette faveur est grande.

ARTABAZE
.


Elle n'est pas commune.

Souffrez donc, mes amis un revers de fortune : [1990]

Vous allez trébucher du faîte du bonheur.

Je vous ai fait, bon homme, espérer un honneur,

Honneur que Jupiter ose à peine prétendre,

De me loger chez vous, et de m'avoir pour gendre.

Je viens vous avertir que c'est mon passe-temps [1995]

De rendre quelquefois des pères bien contents,

Leur faisant concevoir cette haute espérance.

Mais j'ai pitié de vous, et de votre innocence.

Sans vous faire languir dans l'espoir d'être heureux,

De vos filles jamais je ne fus amoureux : [2000]

Bon homme, supportez cette douleur extrême,

Car je suis seulement amoureux de moi-même.

LYSANDRE
.


Tant s'en faut, grand Guerrier, si vous êtes content,

Je n'en vois point ici qui ne le soit autant.

Doncques peu d'entre vous veulent du mariage : [2005]

Vous n'êtes pas si fous, car fol est qui s'engage.

Voilà donc, Alcidon, votre esprit déchargé,

Puisqu'au lieu de se plaindre on vous donne congé.

Votre cœur est-il gai, mes parentes jolies ?

Enfants, jouissez tous de vos douces folies ; [2010]

Ne changez point d'humeur : plus heureux mille fois

Que les sages du temps, les Princes ni les Rois.

Que l'une aime toujours son vaillant Alexandre.