Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome I, 1922.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

MON ENCRIER[1]

C’est un bel encrier tout flambant neuf, rempli jusqu’au bord de bonne encre fraîche et claire. Oh ! le merveilleux liquide ! Comme il fera d’agréables éclaboussures sur de certains visages !

Et s’il coule facilement ! Il glisse sous la plume comme une gorgée de XXO dans le gosier du voisin.

Je gagerais que voilà de l’encre qui n’a pas gelé : on s’aperçoit bien que nous avons changé de bureaux. Mais on chauffe donc, ici ? Nous n’habitons donc plus les froides régions de l’opposition, comme disent M. Larue, mon barbier, et M. Rodolphe Lemieux ?… C’est du luxe, et je proteste. — Monsieur l’Administrateur, vous êtes d’une extravagance, d’une prodigalité scandaleuse, et je vous dénoncerai à votre Bureau de Direction !

… L’encrier, sans être de bronze ou d’argent, a bien dû coûter trente sous. C’est du luxe aussi, mais du luxe de bon aloi.

Mes yeux, charmés, vont de cet objet à la grosse bouteille d’encre qu’on vient de m’appor-

  1. Paru dans le premier numéro du Devoir, le 10 janvier 1910, et inaugurant une série de billets du soir.