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Pour se soulager un peu du poids des travaux les plus lourds, le vieillard avait pris un homme engagé. Et vraiment il avait eu la main heureuse. Toujours le premier au travail, plein de zèle pour les intérêts du bien, France professait encore un respect tout filial pour son maître. Aussi, le père Braise ne se gênait-il pas de répéter à qui voulait l’entendre, que France était un garçon dépareillé.

À la vérité, ce n’était pas un engagé ordinaire que François Milette. Troisième fils d’un meunier de la paroisse, plus riche d’enfants que d’écus ; petit, brun, les épaules larges, il aurait pu cependant reprocher à Dame Nature de ne s’être guère montré prodigue de ses dons à son égard. Il était « laid à jouer avec » comme disait Mérance. Il était d’ailleurs le premier à en rire, quoiqu’il éprouvât toujours une certaine timidité en présence du beau sexe. Comme il arrive d’ordinaire toutefois, cette absence d’attraits extérieurs était largement compensée par de grandes qualités du cœur et de l’âme.

France aurait pu suivre ses frères dans les bois du nord, et s’y tailler comme eux, un large domaine. Il pensa, au contraire, qu’il fallait quelqu’un pour remplacer dans la paroisse ceux qui délaissent la terre.

Pour se préparer à une acquisition de ce genre, il n’avait pas hésité à se rendre aux États-Unis avec l’intention bien ferme de revenir. À Lowell, par un travail continu de cinq années, et grâce à l’économie de sa vie rangée, il amassa une jolie somme qu’il sut prêter à de bons intérêts dans sa paroisse même, Précisément à l’é-