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rait pas reconnu la fraîche jeune fille du père Braise. Si, devant son mari et ses enfants, elle savait se composer un maintien et une figure paisibles, en secret elle pleurait, ne trouvant de consolation que dans ses efforts de tous les jours pour pratiquer la doctrine héroïque enseignée par Mère Sainte-Émélie, et dans une prière sans trêve où elle puisait la force de ne pas succomber au découragement.

L’avenir était, en effet, sombre pour elle. En prévision de l’hiver qui approchait, elle s’était décidée à entreprendre un travail de couture pour un magasin de gros. Pour l’exécuter plus à son aise, elle avait dû envoyer ses deux enfants, Jules et Mariette, au Jardin de l’Enfance, ne gardant près d’elle que son petit malade près duquel sa tâche lui paraissait moins dure.

L’hiver humide et malsain des logis obscurs et étroits, passa avec son cortège de grippes, de rhumes et de rougeole… Céline put faire face à toutes les dépenses ; mais au prix de quelle humiliation elle mendiait à son mari le pain de chaque jour ! Vers la fin d’avril, le loyer des trois derniers mois n’avait pas été payé. Le propriétaire craignant la fuite de ses locataires crut bon de les menacer de la saisie : Céline fut chargée d’annoncer cette nouvelle à son mari.

Le soir au souper, la jeune femme mit Cyprien au courant de leur situation. Entrant en fureur, celui-ci prend son assiette et la lance à la tête de Céline. Le projectile la frappe à l’arcade sourcilière, y laisse une forte entaille d’où le sang jaillit ; puis dans sa course, fait voler en