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Son premier salut fut pour demander de l’argent. Céline dût lui répondre qu’elle n’en avait pas, et que le boulanger leur refusait le pain si le compte n’était pas acquitté à la fin de la semaine. Nous n’entreprendrons pas de dire la colère insensée de Cyprien, ni de relater les incidents brutaux de la scène qui suivit. Le petit Jules n’eût la vie sauve qu’à l’obligeance d’une voisine qui le cacha chez elle cette nuit-là. Quant à Céline, elle s’était enfermée dans la chambre des enfants avec son petit idiot, priant Dieu, par pitié pour cet innocent d’avoir compassion d’elle. Lorsque Cyprien quitta sa maison, il y laissait les meubles éventrés, les chaises boiteuses et tout le reste à l’avenant.

Céline sortit alors de sa cachette, remit un peu d’ordre et se hâta de se remettre au travail, afin de pouvoir faire honneur à sa promesse à la fin de la semaine. Penchée sur sa machine à coudre, elle ne la quittait que pour les repas, et quels repas !…

Le vendredi dans la nuit, alors qu’elle cousait encore en attendant Cyprien, elle entendit qu’on ouvrait la porte qui donnait sur la rue, tandis que des pas lourds, hésitants, suivis d’autres pas semblables, montaient l’escalier qui geignait. Jusqu’alors Cyprien n’avait jamais conduit d’amis chez lui, mais Céline pensa qu’il y a un commencement à tout, et elle tremblait déjà de se trouver face à face avec d’autres ivrognes rebutants et grossiers.

Un coup de talon lancé dans la porte ébranla toute la maison. Céline, la lampe à la main, se précipita pour ouvrir, et recula aussitôt en voyant