Page:Fréchette - Félix Poutré - 1871.djvu/15

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Félix}} Malédiction ! J'arrive trop tard. Comment donc ai-je pu faire pour ne me douter de rien ? Oh ! Le lâche! Il a mis sa peau en sûreté. Ah ! si j'eusse été ici, misérable, tu ne serais pas parti comme cela...

Béchard Personne ne l'a vu partir... On croit qu'il a filé avant le jour.

Félix Le traître !... Écoutez-moi, mes amis, vous allez voir jusqu'où peut aller la perfidie d'un homme ! Vous savez toutes les belles promesses qu'il nous avait faites... Et bien, après les désastreuses attaques d'Odeltown, je me rendis à Napierville, chez le Dr Côté, et je lui demandai si nous n'allions pas avoir des armes, et surtout des canons. Que voulez que nous fassions, lui dis-je, sans canons, pour déloger cette canaille-là de l'église ? Si nous n'avons point d'armes, mieux vaut tout abandonner. Quoiqu'il essayât de faire bonne contenance, je vis bien à son expression embarrassée qu'il n'avait rien de bon à m'apprendre, et je commençai à me douter que quelque chose n'allait pas. Il me dit de revenir le voir. Je le quittai assez mécontent. Nous allons voir ce que l'on va me dire ce soir, me dis-je à moi-même. Il est temps que ces bêtises-là finissent. Aller se battre contre des murs avec des balles !... Mais nous y serions encore dans deux mois... Si nous eussions eu seulement deux petits canons!... Et dire que depuis plus d'un mois on nous promet des armes ! Et qu'au moment critique, il ne nous est pas encore venu un seul fusil. Et tous ces braves gens confiants et honnêtes qui sont là, compromis par des fous ou des traîtres ! Car enfin, il n'y a pas de milieu ; s'ils ont des armes et qu'ils ne les fassent pas venir de suite, c'est d'une imbécillité qui n'a pas de nom ! S'ils n'en ont pas, c'est qu'ils nous trahissent depuis un mois ! S'ils nous avaient dit de suite : «  nous ne pouvons pas nous procurer des armes », est-ce que vous auriez songé à sortir de chez vous?

Patriotes Non ! Non !

Toinon Ben, j'pense pas !

Félix Est-ce que nous sommes obligés de nous faire massacrer par les soldats anglais, ou de danser au bout de la corde d'une potence pour leur bon plaisir ?

Patriotes Non ! Non !

Toinon Ben, j'pense pas !...

Félix Mais voici la fin de l'histoire. Le soir arrivé, je retournai chez le Dr Côté. Je ne pus obtenir l'entrée. Vers neuf heures, je me présentai de nouveau ; même résultat. Cela devenait inexplicable. Enfin à 11 heures je partis, déterminé à passer sur le corps de dix hommes s'il le fallait pour arriver à lui. À ma grande surprise, j'entrai sans difficulté. « Mon cher Poutré, me dit Côté, nous venons d'être informés que les troupes du gouvernement se dirigent sur Napierville. Elles sont encore à huit lieues d'