Page:Fréchette - Poésies choisies, I, 1908.djvu/145

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Un jour, tout un parti de francs coureurs des bois,
Dans des canots aux flancs affaissés sous le poids
De riches cargaisons, voyageurs intrépides,
Descendait l’Ottawa de rapides en rapides.

Un jeune homme au regard rêveur et studieux,
Un brave, que ces fiers trappeurs nommaient Cadieux,
Connaissant l’algonquin, leur servait d’interprète.
C’était un cœur viril, une âme toujours prête
À s’exposer à tout pour le salut d’autrui.
Nul d’entre eux ne savait raconter mieux que lui,
Ni rendre, avec des chants rythmés sur la pagaie,
Le voyage plus court et la route plus gaie.
Il était même un peu père de ses chansons ;
Et, poète illettré, sans aucunes leçons
Que les strophes du vent qui berce la feuillée,
Le jour sur l’aviron, le soir à la veillée,
Dans la naïveté d’une âme sans détours,
Aux échos du désert il chantait ses amours.

Un soir du mois de mai, l’interprète et ses hommes
Campaient précisément à l’endroit où nous sommes.