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Les détails de cette pièce sont strictement historiques. Voici comment Parkman raconte ce curieux épisode :

« Ils s’agenouillèrent dans un religieux silence au moment où l’hostie s’élevait ; et, quand la cérémonie fut terminée, le prêtre se retourna et leur adressa ces paroles : — « Vous êtes un grain de sénevé, qui va germer et grandir jusqu’à ce que ses rameaux ombragent la terre. Vous êtes peu nombreux, mais votre œuvre est celui de Dieu. Son sourire est sur vous, et vos enfants rempliront la contrée. » — L’après-midi s’écoula ; le soleil sombra derrière les montagnes du Couchant, et la lumière fit place au crépuscule. Des lucioles voltigeaient dans la plaine assombrie. On s’en empara, et on les attacha à des fils en festons étincelants qu’on suspendit sur l’autel, où le Saint-Sacrement était resté exposé. Alors on planta les tentes, on alluma les feux de bivouac, on plaça les sentinelles, et chacun se retira pour dormir. Telle fut la nuit où naquit Montréal." (The Jesuits in North America.)

(10) Mlle de Verchères, l’héroïne de cet épisode, naquit en 1678. Elle s’appelait Madeleine ; on comprendra que c’est par rapprochement que l’auteur lui donne un autre prénom. Ce fut en 1692 qu’elle accomplit cet exploit. Plus tard, elle épousa Pierre-Thomas Tarieu de Lanaudière, seigneur de Sainte-Annede-la-Pérade.

(11) « On était rendu aux premiers jours du mois d’août (1689), et rien n’annonçait un événement extraordinaire, lorsque, tout à coup, quatorze cents Iroquois traversèrent le lac Saint-Louis, dans la nuit du 5, durant une tempête de grêle et de pluie qui les favorise, et débarquent en silence sur la partie supérieure de l’île de Montréal. Avant le jour, ils se sont placés par pelotons, à toutes les maisons, sur un espace de plusieurs lieues. Les habitants sont plongés dans le sommeil. Les Iroquois n’attendent plus que le signal : il est donné. Alors s’élève un effroyable cri de mort ; les portes sont rompues, et le massacre commence partout en même temps. Les sauvages égorgent d’abord les hommes ; ils mettent le feu aux maisons qui résistent, et lorsque la flamme en fait sortir les habitants, ils épuisent sur eux tout ce que la fureur et la férocité peuvent inventer. Ils ouvrent le sein des femmes enceintes, pour en arracher le fruit qu’elles portent, et contraignent les mères à rôtir vifs leurs enfants. Deux cents personnes périssent dans les flammes. Un grand nombre d’autres sont entraînées dans les Cantons pour y souffrir le même supplice. L’île est inondée de sang et ravagée jus-