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LE CROQUEUR

Voulez-vous vous faire croquer ? Cela vous coûtera vingt ou trente sous, selon votre tête, et pour ce prix-là vous aurez un portrait ressemblant et la satisfaction d’avoir contribué, dans vos moyens, au relèvement du grand art en France en général, et dans la ville de Rouen en particulier.

Il n’y a que deux croqueurs à Rouen, l’un, dont la modestie est tellement forte qu’il ne veut pas se faire connaitre ; l’autre, réputé de la rue aux Chiens à la place du Vieux-Marché : nous avons nommé Rousselin.

Contrairement au vieux proverbe qui affirme que les poètes et les autres artistes meurent de faim dans un grenier, Rousselin et son confrère vivent très-bien de leur crayon au rez-de-chaussée.

Le premier se paye même de temps en temps le luxe de se révéler poète dans l’intimité. Rien de Lamartine d’ailleurs, ni même de M. X… le célèbre barde rouennais.

Le croqueur a la spécialité de travailler dans les cafés. Il arrive avec son carton sous le bras, s’attable, fixe un consommateur, et, au bout de cinq minutes, lui propose son portrait, « ressemblance garantie. »