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tant les traces des ravages de l’absinthe et du « quarante » Il y a des barbes blanches et des enfants de douze ans qui se tutoient ; tout ce monde est aligné devant le comptoir ; là on ne s’assied pas ; on n’a pas le temps de s’asseoir ; on s’alcoolise en masse ; on se repose quand on tombe.

En entrant dans la pièce enfumée on est saisi par une fade odeur. Le cœur se soulève ; c’est moins l’horrible émanation du vin frelaté, les senteurs de l’eau-de-vie, que celles du poisson. C’est là, en effet, que se réunissent les marchands et les marchandes de marée, dont les petites voitures encombrent la rue pendant la journée. Aussi, le vocabulaire poissard y est-il débité avec plus de « pureté » qu’ailleurs.

De temps en temps, les casquettes se soulèvent ; il y a même des mains qui se tendent pour souhaiter la bienvenue. C’est un agent de la sûreté qui fait sa ronde : Tous le connaissent ; ils ont eu plus ou moins affaire à lui ; mais ils ne lui en veulent pas. — « Ce n’est pas moi aujourd’hui que vous emmenez, monsieur X… — » — Non, mon brave, ce n’est pas ton tour. » — Prenez-vous un verre, sans façon. — Merci.

Pendant cette courte visite, il se fait un grand silence qui réveille les ivrognes en-