Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/373

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Quand revenait la foire Saint-Romain, quand les échos de la vieille fête rouennaise — roulements de caisses, sonnerie de cloches — arrivaient jusqu’à l’établissement du boulevard, Décousu ne pouvait plus y tenir. L’ancien homme qu’il n’avait jamais dépouillé se retrouvait tout entier. Le vieux pître tout perclus de rhumatismes et de douleurs, avait la nostalgie du tréteau. Par une condescendance bien naturelle, les sœurs lui donnaient alors la permission de sortir, et Décousu en profitait pour rendosser la souquenille rouge et aller s’asseoir devant la baraque de Cocherie, où il savourait la joie de n’être pas tout à fait oublié du menu peuple qu’il avait si fort égayé. Le soir — vision disparue — il regagnait le lit d’hôpital, où il rêvait du paradis où toutes les belles âmes des farceurs et amuseurs de populaire, depuis Tabarin jusqu’à Bobèche, se retrouveront et pourront dépenser leur verve dans une parade des morts, comme oncques n’en vit jamais.